Qui veut taxer les Français de l’Étranger ?

Le programme de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale contient 650 mesures, argumentées, chiffrées, issues d’une discussion de fond entre les forces politiques de la gauche et de l’écologie, chacune dotée de sa sensibilité propre. Un programme commun historique, puisque c’est la première fois que les partis de la gauche et de l’écologie présentent des candidats communs pour le premier tour de l’élection législative.

650 mesures! Cela n’a pas paru assez aux yeux des partis de la droite et du centre – majorité sortante incluse – qui souhaitent nous créditer d’une 651ème mesure : un « impôt universel » que la NUPES aurait créé pour les Français de l’étranger. Mazette! Disons-le tout de suite, l’impôt universel pour les particuliers français établis à l’étranger n’existe pas dans le programme de la NUPES. Cette fake news est le seul fruit de l’imagination des stratèges de la majorité présidentielle, convertis à l’usage excessif de poudre de perlimpinpin.

Les « fake news de la Macronie » en Une de Libération

L’impôt universel pour les Français établis hors de France, je n’y crois pas !

Commençons d’abord par évacuer un aspect de la polémique actuelle. Au moment où toute la droite – au sein de la majorité présidentielle sortante et au-delà – tombe à bras raccourcis sur une proposition qui n’existe pas dans le programme de la NUPES, constatons que nous n’avons pas entendu ces mêmes cris d’orfraie, lorsque Nicolas Sarkozy avait promis, lors de sa campagne présidentielle de 2012, de créer un impôt sur la nationalité: “Tout exilé fiscal qui est parti à l’étranger dans le seul but d’échapper à l’impôt , français devra déclarer à l’administration française ce qu’il a payé comme impôt à l’étranger. Et si c’est inférieur à ce qu’il aurait payé sur ses revenus de son capital en France, on lui fera payer la différence”, expliquait l’ancien président, qu’on nous présente aujourd’hui comme un proche du président.

Les raisons pour lesquelles je suis opposé à un impôt universel pour tous les Français établis à l’étranger

D’une part, l’impôt universel est complexe à mettre en œuvre, il faudrait réviser des dizaines de conventions de non double opposition qui protègent les droits des Français. 

D’autre part le ciblage serait trop large alors que ma priorité et celle de la NUPES dans son programme est de toucher les seuls évadés fiscaux, c’est-à-dire ceux qui créent des richesses en France profitant des investissements de l’Etat et des services publics et qui escamotent ce revenu en le transférant dans un paradis fiscal. L’objectif des mesures de justice fiscale doit être de taxer ces évadés fiscaux, que le fisc connaît bien et qui prétendent vivre à l’étranger pour minorer leur impôt sur le revenu en France.

Je rappelle d’ailleurs que le débat n’est pas d’imposer tous les Français habitant à l’étranger, puisqu’en France, et depuis plusieurs années, moins d’un ménage sur deux est redevable de l’impôt sur le revenu, selon les chiffres de la Direction générale des finances publiques. “Les (foyers) français qui paient l’impôt sur le revenu sont minoritaires : 43,9 % pour être exact.”

La situation particulière des Français établis à l’étranger doit être prise en compte. S’ils ne paient pas d’impôt sur le revenu en France, ils sont soumis aux obligations fiscales dans les pays où ils sont installés, lesquelles découlent de leur résidence. Ils ne bénéficient pas, contrairement aux évadés fiscaux, des services publics disponibles sur le territoire national. 

Le vrai sujet est ailleurs. Le niveau d’investissement de l’État dans nos services publics à l’étranger est dérisoire. 95 millions d’euros de bourses scolaires, 15 millions d’euros d’aides sociales et 380 000 euros pour la Caisse des Français de l’étranger. Pour 3 millions de Français établis à l’étranger. Au total, si on additionne toutes les bourses, aides et budgets sociaux, l’Etat dépense environ 120 millions d’euros pour 3 millions de personnes, cela fait en moyenne 40 euros par an et par Français établi à l’étranger ! En rentrant en France à l’occasion des vacances, en un seul plein d’essence nous remboursons,  en taxes, la totalité des dépenses publiques engagées par l’Etat pour nos services publics !

Conclusion

La vérité, limpide et incontestable, c’est que le programme de la NUPES ne propose pas d’impôt universel ciblant les Français établis à l’étranger. Les propos, sortis de leur contexte, prêtés à Jean-Luc Mélenchon ne doivent pas servir à brouiller les esprits. Les discussions entre les différentes composantes de l’union de la gauche et de l’écologie ont produit une position commune sur la fiscalité à l’étranger sur deux points précis.

Soit, la NUPES n’a pas adopté « l’impôt universel » dans son programme, mais que propose-t-elle ?  

La NUPES a élaboré un programme par consensus. Une majorité des points de vue exprimés lors de notre négociation a émergé contre la création d’un impôt universel sur les particuliers. Notre consensus est que l’imposition universelle doit porter d’abord sur les entreprises, notamment les multinationales actives en France et qui n’y paient pas d’impôt sur les sociétés, car elles ont choisi d’établir leur siège fiscal dans un pays fiscalement plus favorable. L’imposition universelle doit ensuite cibler exclusivement les évadés fiscaux.

Premier point: un impôt mondial sur les entreprises qui pratiquent une “optimisation fiscale” débridée 

De longues négociations au sein de l’OCDE ont abouti à ce que 139 pays déclarent être favorables à un système d’imposition sur les entreprises multinationales selon leur activité dans chaque pays. Nous voulons désormais le mettre en œuvre ! L’adoption obligatoire d’une comptabilité par pays pour les multinationales permettra d’imposer l’activité dans le pays concerné. Cette logique est non seulement vertueuse pour la France mais aussi pour les pays du monde entier et particulièrement les pays africains où les multinationales pourront être assujetties à la hauteur de leur activité réelle dans le pays.

Deuxième point: lutter contre les évadés fiscaux qui s’établissent dans les paradis fiscaux (indice: il n’y a pas de paradis fiscal dans la 9è circonscription !)

Pour nous, la seconde priorité consiste à sanctionner, dissuader, et lutter contre la fraude fiscale de certains particuliers, qui pratiquent l’évasion fiscale. Certains particuliers, souvent les plus riches, tentent d’échapper à l’impôt en s’établissant dans des pays où l’imposition sur les particuliers n’existe pas ou peu. Si les pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest ont plus de charme que de nombreux paradis fiscaux, ce n’est pas dans cette partie du monde que ces fraudeurs fiscaux viennent se réfugier !

A ce stade, il faut prendre note : aucun pays de la 9ème circonscription des Français de l’étranger n’est un pays à fiscalité avantageuse: il n’y a pas de paradis fiscal au Maghreb et en Afrique de l’ouest. 

une video clarifiant cet impôt contre l’évasion fiscale

En résumé ! 

Des fortunes entières échappent à la simple exigence sociale basique de solidarité nationale : que chacun contribue à l’impôt à la hauteur de ces facultés. Est-ce bien déclarer la guerre fiscale aux Français de l’étranger que de dire cela ? Je ne le crois pas. La fraude fiscale est un danger pour les finances de l’État comme pour la société. Non à l’impôt universel systématisé des particuliers, lourd, compliqué et peu adapté. Oui aux mesures ciblées contre les paradis fiscaux. Telle est le véritable programme de la NUPES, des mesures de bon sens dont on se demande pourquoi elles inquiètent autant la majorité sortante.

En annexe ci-dessous l’intégralité du volet fiscal du programme de la NUPES tel que publié sur https://nupes-2022.fr/le-programme/ 

Faire la révolution fiscale

  • Rendre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG) véritablement progressifs avec un barème à 14 tranches
  • Rétablir et renforcer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), incluant un volet climatique visant à taxer les gros pollueurs, calculé selon l’empreinte carbone des actifs détenus
  • Refonder l’impôt sur les sociétés pour établir l’égalité devant l’impôt entre PME et grands groupes, instaurer un barème progressif en fonction des bénéfices réalisés et selon leur usage, et favoriser l’investissement plutôt que la distribution de dividendes
  • Création d’une caisse de péréquation inter-entreprises pour mutualiser la contribution sociale entre petites et grandes entreprises
  • Supprimer la flat tax et imposer les revenus du capital a minima comme ceux du travail
  • Augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines en comptabilisant l’ensemble des dons et héritages reçus tout au long de la vie et créer un héritage maximal de 12 millions d’euros (soit 100 fois le patrimoine net médian) et en supprimant les niches fiscales permettant aux plus aisés d’échapper aux droits de succession
  • Réduire la TVA sur les produits de première nécessité, réinstaurer une « TVA grand luxe » 
  • Évaluer chacune des niches fiscales et supprimer les niches injustes, inefficaces socialement ou nuisibles écologiquement ; pour les niches restantes, transformer les « réductions d’impôts » en « crédits d’impôts » afin que chacun puisse bénéficier à égalité de ces incitations financières, quels que soient ses revenus
  • Instaurer un impôt universel sur les entreprises (basant leur taxation sur l’activité effectivement réalisée en France) et sur les revenus des particuliers dans les pays à fiscalité privilégiée pour lutter contre l’évasion fiscale
  • Rétablir l’exit tax supprimée par Emmanuel Macron
  • Taxer les entreprises ayant profité de la crise sanitaire et des conséquences de la crise ukrainienne et orienter les recettes vers les investissements nécessaires et à la bifurcation écologique et sociale
  • Refonder la taxe foncière pour la rendre progressive et pour que chacun paie à hauteur de son patrimoine total réel
  • Mettre fin au quotient conjugal, système patriarcal favorisant les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, remplacer l’injuste quotient familial fiscal actuel par un crédit d’impôt par enfant que pourraient toucher toutes les familles
  • Faire de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales une priorité : débloquer les moyens humains et financiers nécessaires et prendre des initiatives en lien avec tous les pays décidés à mener cette lutte
  • Mettre fin à la convention judiciaire d’intérêt public qui permet aux entreprises de négocier leur sanction financière en cas de fraude fiscale
  • Augmenter les poursuites judiciaires et durcir les sanctions à l’encontre des délinquants en col blanc reconnus coupables de fraude fiscale, et renforcer les effectifs de l’administration fiscale

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